Michel

Disque de Mathieu Boogaerts, un chanteur "à cheval dans les flots". Sorti en 2005.

Dès la vision de la pochette de ce 4ème album, on sentait que le ton ne serait pas le même, fini les couleurs des opus précédents, place désormais au noir et au flou, un flou que l'on retrouve y compris dans le livret du disque, un flou qui caractérise probablement bien la façon dont Mathieu Boogaerts se voit en ce moment, une vision de lui même qu'on pourrait résumer par ces 2 phrases issues des chansons Un petit peu de crème et Appelez les pompiers : "A la terrasse je m'ennuie, j'ai pas vraiment réussi des masses" et "Je n'veux pas avoir mal, je suis un enfant, j'ai mal".

Deux phrases qui selon moi expriment le mieux l'état d'esprit de Mathieu Boogaerts qui se dégage au travers des 12 chansons et du dvd. La première phrase illustre clairement le sentiment d'échec de Mathieu Boogaerts qui à 35 ans n'a pas encore construit la famille qu'il évoquait dans l'album précédent avec la chanson Le ciment, et semble finalement n'être satisfait jusqu'à présent que de ses chansons, encore que, l'absence de vrai succès semble être assez pesante. La seconde phrase est révélatrice aussi dans le sens où Mathieu Boogaerts est toujours apparu comme un grand enfant, dans sa façon si particulière et touchante d'évoquer les choses et dans son univers très coloré, il semble au travers de cet album prendre conscience de ce côté enfant éternel. L'autre partie de cette phrase est également représentative de ce disque parce que l'on ressent au travers de cet album une certaine souffrance due aux différents échecs amoureux de la vie. Bien sur, à bien y réfléchir, cette thématique était déjà très présente dès le premier album, mais les arrangements colorés de celui-ci ont aujourd'hui laissé place à une musique très intimiste, très touchante, une façon d'exprimer un ressenti de façon peut être plus pur, tel qu'il est à l'origine et peut être aussi parce que la situation n'est plus vécue de la même manière aujourd'hui qu'il y a 10 ans.

Ami du bateau est probablement la chanson qui illustre le mieux ce côté épuré, avec un accompagnement discret de la guitare et du piano, et une batterie lente mais pesante. Une atmosphère que l'on retrouve également dans les chansons Keyornew et Quelque chose. On citera également les titres Dommage et Pardonne, 2 très beaux titres qui nous bercent à la fois dans une certaine mélancolie et dans une certaine douceur, portées par de magnifiques arrangements pianos. Bien sur Michel comporte également quelques chansons moins mélancoliques, des chansons légères souvent assez proches du guitare voix comme Un petit peu de crème, Qui va là ? ou Retrouver et Une bonne nouvelle dans un genre un peu plus arrangé. On citera également l'ovni Siliguri, chanson dans laquelle il est question de "zizi" et "néné" au travers de sonorités très Hawaïennes.

Pour ce qui est des textes, tout tourne autour de la déception, souvent amoureuse et particulièrement de la rupture (Dommage, Pardonne, J'sais pas où t'es parti, Quelque chose), de solitude (Ami du bateau, Qui va là ?), le tout de manière simple et sensible, sans grande prouesse de style, en métaphores atypiques à l'artiste... à fleur de mots... On note tout de même 2 notes d'espoir dans les chansons Une bonne nouvelle ("Montre moi le ciel comme il est mieux sous le soleil de Mathieu") et surtout Retrouver qui marque le désir de recommencer à profiter de la vie ("Je veux retrouver, bientôt sur le monde, mon goût pour les blés, mon goût pour les cols et les landes").

En conclusion, ce 4ème album s'inscrit dans la continuité des disques précédents, tout en se démarquant de ses prédécesseurs de par son ambiance intime. Michel est un album que l'on s'approprie petit à petit au fil des écoutes et qui en vient à s'imposer comme un disque personnel, c'est selon moi un bel album, touchant.. très touchant...

G.B