Ne plus faire comme si de rien n'était
Idéologiquement, je suis ce qu'on appelle quelqu'un "de gauche". Cependant, j'ai passé une sorte d'accord implicite avec moi même, ne pas trahir le fond de mes pensées et refuser toute sorte de manichéisme. Etre de gauche aujourd'hui ça ne peut pas être comme être de gauche sous Blum. Les temps ont changé, et, si le passé nourrit le présent, il me semble que c'est commettre une lourde erreur que de ne pas prendre en compte ces évolutions qui ont marqué, et qui continuent de marquer notre société, même si elles peuvent être dures à accepter. Je pense d'ailleurs que c'est en grande partie parce que la gauche n'a pas pris en compte tous ces changements majeurs, qu'elle n'a plus gagné d'élection présidentielle depuis Mitterrand. Nous vivons aujourd'hui dans une société capitaliste et sous l'ère de la mondialisation. A quoi bon fermer les yeux et faire comme si de rien n'était ?
Bien sûr, l'utopisme reste quelque chose de magnifique, mais l'utopisme n'est pas constructif, il doit être laissé aux artistes et à la nuit. Evidemment, ce serait formidable que, au lieu de remettre en cause les régimes spéciaux de retraite, on les applique à l'ensemble de la société Française. Ce serait formidable, mais étant donné la situation dans laquelle la France est aujourd'hui, c'est totalement impensable. Le problème des retraites est un problème majeur qu'il est indispensable de régler. Etre de gauche c'est être solidaire, mais pas uniquement quand ça nous arrange. La solidarité ne doit, à mon sens, pas se faire à sens unique. A la question "les régimes spéciaux de retraite sont-ils justes et adaptés à la France d'aujourd'hui ?", je réponds non. Je ne dis pas qu'ils ne l'ont jamais été, mais simplement qu'ils ne le sont plus. Chaque Français n'étant sociologiquement pas égal face à la mort selon la catégorie socioprofessionnelle dans laquelle il se situe, je trouverai juste que des régimes spéciaux de retraite subsistent, mais pas ceux là.
Plus que de protester pour protester, et s'opposer pour s'opposer, j'appelle de mes vœux une gauche qui accepte de regarder notre société telle qu'elle est, et qui, plutôt que de se battre uniquement pour le passé, se batte aussi au présent et pour le futur, dans le but de combattre au maximum toute forme d'inégalité, y compris celles que des acquis, aujourd'hui obsolètes, continuent de créer.
Mais n'oublions cependant pas une chose, la vraie question qui se pose, au delà même des régimes spéciaux, c'est de savoir comment fera t'on lorsque le financement des retraites sera devenu impossible parce que le nombre d'actifs sera devenu insuffisant comparé à celui des retraités ?
G.B